Bail commercial et remise de loyer : gare à la sanction !

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Une société, propriétaire d’un local commercial qu’elle loue à une autre, consent un abandon de loyer au profit de sa locataire. Considérant que cette décision s’assimile à un « acte anormal de gestion », l’administration fiscale procède, à l’occasion d’un contrôle, au rehaussement du bénéfice imposable de l’intéressée. Cette sanction, qui peut paraître surprenante, est validée en justice. Explications.

LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE : UN PRINCIPE

Chaque dirigeant de société reste, par principe, maître de la gestion de son entreprise et des risques qu’il entend (ou non) lui faire prendre. Ainsi, il ne pourra jamais lui être reproché d’avoir décidé de financer un investissement par un emprunt (générateur de charges financières) plutôt que par des fonds propres ou, encore, d’avoir opté pour une opération financière hasardeuse. En la matière, les juges sont en effet très clairs : l’administration fiscale ne peut se substituer à l’exploitant pour apprécier le bien fondé de ses décisions : elle n’a pas à s’immiscer dans ses choix, ni même à juger de leur opportunité et ce, quel que soit leur impact financier pour l’entreprise.

L’ACTE DE GESTION ANORMAL : UNE LIMITE

En revanche, l’administration fiscale conserve le droit d’apprécier la « normalité » des différents actes de gestion entrepris par les dirigeants. Dès lors si, à l’occasion d’une vérification de comptabilité, elle estime que l’un de ces actes est anormal, elle peut légitimement refuser sa prise en compte et, à ce titre, procéder à un redressement fiscal. Tel sera le cas, par exemple, si une dépense mise à la charge de l’entreprise est contraire aux intérêts de cette dernière ou si l’entreprise renonce à des recettes qu’elle aurait du normalement percevoir (cette renonciation n’étant pas justifiée pour les besoins de la structure).

LE RENONCEMENT À UN LOYER COMMERCIAL : UN EXEMPLE

C’est précisément ce que reprochait l’administration fiscale à la société mise en cause dans cette affaire. L’entreprise visée, propriétaire d’un local commercial, avait en effet consenti à son locataire (une autre société souffrant de difficultés financières passagères) une réduction de loyer à hauteur de 50 %. Dans le cadre de sa mission de contrôle, l’administration fiscale a alors estimé que cet abandon de loyer (sur plusieurs années) ne relevait pas d’une gestion commerciale normale en ce qu’il ne servait pas l’intérêt de l’exploitation. Elle a donc réintégré les montants en cause au résultat imposable de la société. Cette décision a été confirmée par le Conseil d’Etat, la société bailleresse ne faisant état d’aucun élément tendant à démontrer son intérêt à renoncer à la moitié de ses recettes. En la matière, le coût d’une éventuelle procédure d’expulsion et les éventuelles difficultés à retrouver un nouveau locataire ne sauraient en effet justifier des contreparties valables justifiant une telle concession.

 Conseil d’Etat, 9ème et 10ème chambres réunies, 12 octobre 2018, requête n° 405256

Le 13 juin, le Conseil d’Etat se prononce et précise enfin la notion d’« holding animatrice de groupe ».

En effet, la holding animatrice permet l’application de dispositifs fiscaux réservés aux sociétés dites « professionnelles » et non à celles dites « patrimoniales ».

La holding animatrice est un outil recherché notamment pour ses régimes de faveurs :

  • En matière de droits de mutation à titre gratuit dans l’application des pactes dits « Dutreil » (abattement de 75% en cas d’engagement de conservation, sur les transmissions par donation ou succession des titres de sociétés),
  • En matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) dans l’application de l’exonération des biens professionnels et des immeubles appartenant à une société, dont le contribuable détient des titres,
  • En matière d’impôt sur le revenu (IRPP) et plus particulièrement l’imposition des plus-values de cession de titres, etc.

En recherchant le bénéfice de ces exemples, les chefs d’entreprise et leurs conseillers, notamment les experts-comptables, étaient en attente de précisions claires par la doctrine et la jurisprudence.

A partir de cette nouvelle jurisprudence administrative, le bénéfice de ces dispositifs fiscaux s’applique lorsqu’il s’agit d’une holding animatrice de groupe.

Mais qu’est-ce qu’une holding animatrice de groupe ?

Une holding animatrice de groupe est « une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe ».

En plus de cette définition, il conviendra d’apporter des faisceaux d’indices afin de réduire une éventuelle ambiguïté lors d’un contrôle par l’administration fiscale :

  • La holding exerce un rôle actif dans la conduite du groupe et la recherche nouveaux partenariats, ce rôle devra absolument être retranscris dans les procès verbaux des conseils de direction.
  • La mixité des membres de direction: entre la holding et les sociétés d’exploitation, il est recommandé de diversifier les membres des différentes directions entre : les dirigeants dits internes au groupe (gérant de la holding et gérant d’une société d’exploitation) mais aussi des personnes qualifiées, indépendantes et spécialisées dans l’activité de l’exploitation,
  • La holding mixte profite également de la définition de la holding animatrice du Conseil d’Etat.

D’autres questions restent encore en suspens sur ce vaste sujet qu’est la holding animatrice, mais pour ce jour, un grand pas en avant a été fait par le Conseil d’Etat.

Nous resterons attentifs à la prochaine loi de finances, qui sait, peut-être que le gouvernement continuera dans les pas du Conseil d’Etat.

Cet article a été rédigé en novembre 2018. Nous vous rappelons que cette analyse est applicable à ce jour et ne prend pas en compte les éventuelles modifications, les données sont susceptibles de changer.

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