La TVA dans le secteur du bâtiment

1. Les taux de TVA applicables

L’article 279-0 bis du Code général des impôts (CGI) prévoit l’application d’un taux intermédiaire de TVA à 10 % aux travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement ou d’entretien réalisés dans des locaux à usage d’habitation, à condition que ces locaux soient achevés depuis plus de deux ans à la date d’exécution des travaux. Ce taux intermédiaire constitue une mesure dérogatoire au taux normal de 20 % applicable par principe aux prestations de travaux immobiliers, et ne peut être mis en œuvre que sous réserve du respect strict des conditions posées par les textes légaux et réglementaires, ainsi que par la doctrine administrative.

Par ailleurs, l’article 278-0 bis A du CGI instaure un taux réduit de 5,5 %, également applicable aux logements de plus de deux ans, lorsque les travaux réalisés portent directement sur l’amélioration de la performance énergétique du bien immobilier ou sur des prestations qui leur sont indissociablement liées. Ce dispositif vise à encourager la rénovation énergétique des logements existants, dans le cadre des politiques publiques de transition écologique et de réduction de la consommation d’énergie.

L’application de l’un ou l’autre de ces taux dérogatoires suppose, pour l’entreprise, de vérifier avec rigueur les conditions d’éligibilité des travaux et de recueillir les justifications appropriées, notamment par le biais d’une attestation signée du client ou d’une mention sur le devis ou facture effectué. À défaut, le taux normal de 20 % reste applicable.

De plus, ces taux ne sont applicables qu’en métropole. L’ensemble des travaux suivent le taux normal de TVA en DOM TOM, c’est-à-dire 8.5% de façon générale.

1) Conditions d’application du taux de 10 %

Le taux intermédiaire de 10 % s’applique aux travaux portant sur des locaux affectés exclusivement ou principalement à l’habitation, qu’il s’agisse de résidences principales ou secondaires, et ce, quelle que soit la qualité du donneur d’ordre (particulier, SCI, copropriété, bailleur social, etc.).

La condition d’ancienneté du bâtiment implique que les locaux concernés soient achevés depuis au moins deux ans à la date de début des travaux. Cette condition d’achèvement concerne le gros œuvre : l’immeuble doit avoir été rendu habitable, sans nécessairement avoir fait l’objet d’une première occupation.

Les travaux doivent être des travaux d’amélioration ou d’entretien. À ce titre, ils ne doivent ni porter sur la construction de surfaces nouvelles, ni conduire à une transformation équivalente à une construction neuve au sens de la doctrine fiscale (notamment BOI-TVA-LIQ-30-20-95).

En conséquence, les travaux réalisés dans des bâtiments neufs, dans des locaux professionnels, ou ceux assimilables à une construction neuve, restent soumis au taux normal de 20 %.

Le taux de 10 % s’applique aux travaux eux-mêmes ainsi qu’aux fournitures nécessaires à leur exécution, dès lors que ces fournitures sont vendues et posées par l’entreprise dans le cadre de la prestation de travaux. En revanche, les équipements dits de confort ou d’ameublement (électroménagers, équipements de cuisine achetés séparément, etc.) restent soumis au taux normal.

2) Conditions d’application du taux de 5.5%

Conformément aux dispositions de l’article 278-0 bis A du Code général des impôts, les travaux d’amélioration de la performance énergétique réalisés dans des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans bénéficient, sous certaines conditions, de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 %.

Ce taux réduit s’applique aux travaux portant directement sur la rénovation énergétique du logement, c’est-à-dire aux travaux consistant en la fourniture et la pose d’équipements, matériaux ou appareils éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ou à MaPrimeRénov’, sous réserve qu’ils répondent aux critères de performance thermique ou énergétique fixés par la réglementation en vigueur, notamment par l’arrêté du 30 décembre 2013 modifié.

Parmi les travaux éligibles, figurent notamment l’isolation thermique des parois opaques ou vitrées, l’installation de chaudières à condensation ou à micro-cogénération, la mise en place de pompes à chaleur répondant aux exigences de performance, l’installation de systèmes de régulation de chauffage, de chauffe-eau thermodynamiques, ou encore de dispositifs de production d’énergie renouvelable (chauffe-eau solaires, systèmes photovoltaïques, etc.).

Le taux réduit de 5,5 % s’applique également, de manière accessoire, aux travaux dits “induits”, définis comme ceux strictement indispensables à la bonne réalisation des travaux d’amélioration énergétique. Cette condition suppose un lien technique avéré entre les travaux principaux et les travaux induits, lesquels doivent être facturés dans le même devis ou dans une facture jointe.

3) Justification de l’application des taux réduits ou intermédiaires de TVA

Depuis le 16 février 2025, l’obligation de produire une attestation client (Cerfa 1300-SD ou 1301-SD) pour bénéficier des taux réduits ou intermédiaires de TVA a été supprimée.

En lieu et place, l’application du taux réduit ou intermédiaire est désormais conditionnée à l’insertion d’une mention obligatoire sur les devis et factures, dans laquelle le client atteste que les conditions légales sont remplies :

  • Le logement est achevé depuis plus de deux ans,
  • Il est affecté à un usage d’habitation,
  • Les travaux n’aboutissent pas à une production de logement neuf.

Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la simplification administrative prévue par la loi de finances pour 2025 et vise à alléger les formalités pesant sur les professionnels du bâtiment.

Exemple de mention à intégrer sur les devis et factures :

« Je soussigné(e), client, atteste que les locaux concernés par les travaux sont achevés depuis plus de deux ans et affectés à un usage d’habitation. J’ai été informé(e) que le taux réduit (ou intermédiaire) de TVA est applicable dans ces conditions et m’engage à signaler tout changement susceptible d’en affecter l’éligibilité. »

L’entreprise n’a ainsi plus à collecter ni conserver une attestation Cerfa, mais doit toujours conserver la copie du devis ou de la facture signée portant la mention ci-dessus pendant 5 ans, conformément à l’article L. 102 B du Livre des procédures fiscales.

En cas de contrôle fiscal, l’administration peut exiger ces pièces pour justifier le taux de TVA appliqué.

En cas d’absence de mention ou si les conditions ne sont pas effectivement remplies, l’entreprise s’expose à un rehaussement de TVA au taux normal, ainsi qu’à d’éventuelles pénalités et intérêts de retard.

2. L’autoliquidation – spécificité de la sous-traitance

Pour les contrats de sous-traitance dans le secteur du bâtiment conclus à compter du 1er janvier 2014, la loi de finances pour 2014 instaure un dispositif d’autoliquidation de la TVA par le client, qui concerne les travaux effectués par une entreprise sous-traitante pour le compte d’un preneur assujetti.

1) Présentation du régime

a) Mécanisme d’autoliquidation

Ce mécanisme, conforme au droit communautaire (directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006), impose au preneur assujetti (le client principal) de collecter et reverser lui-même la TVA sur les prestations de travaux réalisées par une entreprise sous-traitante.

Il s’applique aux contrats de sous-traitance conclus à compter du 1er janvier 2014, dans les situations suivantes :

  • Le sous-traitant et le preneur sont tous deux établis en France et assujettis à la TVA ;
  • Le sous-traitant est établi en France et le preneur est établi à l’étranger, mais identifié à la TVA en France.

Important : Ce régime ne s’applique pas dans les relations avec des clients non assujettis à la TVA (notamment les particuliers).

b) Opérations visées par le mécanisme d’autoliquidation

Le dispositif concerne les travaux de construction, dans le cas spécifique où ils sont effectués en relation avec un bien immobilier, dans le cadre d’une relation de sous-traitance au sens de l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

Définition de la sous-traitance :

Il s’agit de l’opération par laquelle un entrepreneur principal confie, par contrat, à un sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du marché qu’il a conclu avec le maître d’ouvrage.
Le sous-traitant n’intervient jamais directement pour le compte du maître d’ouvrage, mais toujours pour le compte de l’entrepreneur principal.

Sont notamment visées :

  • Les prestations de gros œuvre et second œuvre ;
  • Les travaux de plomberie, électricité, menuiserie, peinture, etc. ;
  • Les travaux de rénovation ou de remise en état.

Les prestations intellectuelles ou de conception (architectes, bureaux d’études, maîtrise d’œuvre…) ne sont pas concernées par ce régime.

2) Procédure d’autoliquidation

a) Conséquence pour les entreprises sous-traitantes

Les entreprises sous-traitantes n’appliquent pas la TVA sur leurs factures relatives aux travaux concernés. Ces factures doivent :

  • Être émises hors taxe (HT) ;
  • Comporter la mention obligatoire : « Autoliquidation – TVA due par le preneur conformément à l’article 283 II-2 nonies du CGI »

Le sous-traitant n’a pas à déclarer ces opérations sur sa déclaration CA3, ni en base taxable ni en opérations non imposables.

La responsabilité de la collecte de la TVA est transférée au preneur, sous réserve que celui-ci soit bien assujetti.

b) Conséquences pour le preneur

Le preneur assujetti (client du sous-traitant) doit autoliquider la TVA en déclarant le montant HT des travaux dans sa déclaration de chiffre d’affaires (CA3) :

  • Ligne 05 : « Opérations imposables autoliquidées » – indiquer le montant HT des travaux facturés sans TVA par le sous-traitant ;
  • Ligne 20 : « TVA due ou autoliquidée » – reporter le montant de TVA correspondante (calculée selon le taux applicable) ;
  • Ligne 21 : « TVA déductible sur autres biens et services » – pour déduire cette même TVA, si les conditions de déduction sont réunies (neutralité de l’opération).
c) En cas d’erreur de facturation

Des erreurs peuvent survenir, avec des conséquences différentes selon qu’elles concernent le sous-traitant ou le preneur :

Erreur du sous-traitant :

Si le sous-traitant facture par erreur la TVA alors que le régime d’autoliquidation s’applique :

  • Le preneur ne peut pas déduire cette TVA facturée à tort, car il doit autoliquider lui-même la TVA et non récupérer celle facturée par le sous-traitant.
  • Le sous-traitant reste tenu de reverser la TVA facturée à l’administration, même s’il ne l’a pas perçue.
  • Une régularisation de la facture (note de crédit ou facture rectificative) est possible si elle est faite dans les délais légaux et sans perte pour le Trésor public.

Erreur du preneur :

En cas d’oubli ou d’erreur dans la déclaration de l’autoliquidation (par exemple, absence de déclaration du montant HT ou de la TVA sur les lignes correspondantes de la CA3), le preneur s’expose à une amende de 5 % de la TVA non autoliquidée (article 1788 A, 4 du CGI).

3. Schéma récapitulatif de la TVA en BTP

 

Cet article a été rédigé en septembre 2025, par Calixta EVRARD, Fiscaliste, Pôle Fiscal

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