Face au développement de la sous-traitance et de façon plus générale, à la multiplication des intervenants extérieurs présents dans les locaux d’une entreprise, il semble indispensable de faire le point sur les obligations de l’entreprise d’accueil.
Quelle que soit l’appellation donnée au contrat (contrat de sous-traitance, de prestations de service, convention de collaboration…), toute entreprise qui fait appel à une entreprise extérieure (pour des prestations de nettoyage, de sous-traitance d’une partie de son activité…) acquiert le statut de donneur d’ordre et à ce titre se trouve confrontée à certains risques.
1. Risque de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail
En matière de contrat de sous-traitance, il importe de veiller à ce qu’aucun lien de subordination ne puisse être établi entre le personnel intervenant extérieur et l’entreprise d’accueil.
Plus les relations du personnel sous-traitant avec le donneur d’ordre sont fortes, plus les risques de requalification sont importants.
Certains points doivent ainsi être étudiés avec précaution préalablement à toute conclusion d’un contrat de sous-traitance.
Il s’agit notamment de :
La prestation effectuée :
– Elle ne doit pas consister en un simple apport de personnel sans aucun savoir-faire spécifique ;
– L’entreprise intervenante doit être mobilisée sur une mission précise dont elle a la charge du résultat et pour laquelle elle bénéficie d’une autonomie suffisante et nécessaire ;
– Le prix de la prestation doit être défini précisément dans son montant et son mode de fixation.
L’organisation du travail :
– Le personnel extérieur ne doit pas être entièrement intégré dans le fonctionnement de l’entreprise ou du service au sein duquel il intervient ;
– L’entreprise sous-traitante doit disposer d’une liberté de gestion en ce qui concerne le personnel extérieur mis à disposition du donneur d’ordre.
Les conditions matérielles d’exercice de l’activité :
– Le personnel intervenant doit disposer de moyens et équipements de travail qui lui sont propres.
Seule une analyse précise des conditions d’exercice de l’activité permettra de vérifier l’éventuelle existence de ce lien de subordination.
2. Obligation des parties dans le cadre de contrats supérieurs à 5 000 euros
Afin de prévenir le travail dissimulé et responsabiliser les cocontractants, un dispositif de vérification incombant au donneur d’ordre a été prévu lors de la conclusion de contrats de sous-traitance (en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce…) portant sur au moins 5 000 euros HT.
Le code du travail impose au donneur d’ordre de s’assurer que son cocontractant a bien procédé aux immatriculations obligatoires et a accompli des déclarations obligatoires aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale.
Il convient de préciser que le seuil de 5 000 euros (HT) s’apprécie par contrat, sauf dans le cas d’un contrat à exécution successive où il faut prendre en compte le montant global, c’est-à-dire la totalité des factures.
Afin de respecter cette obligation de vérification, le donneur d’ordre doit se faire remettre lors de la conclusion du contrat, ainsi que tous les 6 mois, certains documents (article L.8222-1 du code du travail).
- Lorsque le cocontractant est établi en France, le donneur d’ordre doit se faire remettre les documents suivants (articles L.8221-3 et D.8222-5 du code du travail):
- Une attestation de vigilance émanant de l’organisme de recouvrement (Urssaf, Caisse générale de sécurité sociale, MSA et RSI) certifiant que l’entreprise est à jour en matière de déclarations et de paiement des cotisations et datant de moins de six mois. Le donneur d’ordre doit également s’assurer de la validité des attestations délivrées sur le site de l’URSSAF.
- Une attestation sur l’honneur du cocontractant du dépôt auprès de l’administration fiscale, à la date de l’attestation, de l’ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n’est pas tenu de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
- Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés (ou au répertoire des métiers) est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, il convient également de se faire remettre une attestation d’assurance Responsabilité Civile ainsi que l’un des documents suivants :
- Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) de moins de trois mois ;
- Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
- Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
- Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes physiques ou morales en cours d’inscription.
- Lorsque le cocontractant emploie des salariés, il faudra également obtenir (article L.8221-5 du code du travail) :
- Une attestation sur l’honneur établie par le cocontractant, de la réalisation du travail par des salariés employés régulièrement embauchés au regard des articles L.3243-2, R.3243-1 et L.1221-10 du code du travail (déclaration unique d’embauche effectuée et remise du bulletin de paie, respect des salaires minimums et règles relatives à la durée du travail) ;
- La liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier et soumis à une autorisation de travail. Cette liste précise, pour chaque salarié, sa date d’embauche, sa nationalité ainsi que le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail ;
- Pour les entreprises de travail temporaire, la formalité est réputée accomplie lorsque les informations relatives au salarié étranger figurent dans le contrat de mise à disposition conclu avec l’utilisateur.
- La déclaration de détachement effectuée par le cocontractant conformément au décret du 5 mai 2017 (n°2017-825). Si le cocontractant ne remet pas cette déclaration, le donneur d’ordre devra l’effectuer lui-même auprès de l’inspection du travail du lieu de la prestation dans les 48 heures suivant le détachement des salariés et s’acquitter de la contribution forfaitaire de 40€ (due à partir du 1er janvier 2018 au plus tard) par salarié détaché. La déclaration de détachement devra figurer dans le registre du personnel.
- La déclaration en cas d’accident du travail. A défaut d’action du cocontractant : le donneur d’ordre devra procéder lui-même à la déclaration de cet accident et l’adresser à l’inspecteur du travail du lieu de survenance de l’accident dans les 2 jours ouvrables suivant.
A noter que dans le secteur du B.T.P : le donneur d’ordre doit fournir aux salariés étrangers un document informatif avec la carte B.T.P et notamment afficher des informations relatives à la réglementation française applicable, dans le local vestiaire, dans un bon état de lisibilité et traduites dans les langues officielles parlées par chacun des salariés détachés.
- Lorsque le cocontractant est établi à l’étranger, le donneur d’ordre doit se faire remettre l’ensemble des documents et attestations suivants qui doivent être rédigés en langue française ou être accompagnés d’une traduction en langue française (article D.8222-7 du code du travail) :
- Un document mentionnant son numéro individuel d’identification attribué en application de l’article 286 ter du CGI (numéro d’identification à la TVA) ; à défaut, si ce numéro n’est pas obligatoire, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ;
- Un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n5 1408/71 du 14 juin 1971 ou d’une convention internationale de sécurité sociale ou, à défaut, une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l’organisme français de protection sociale chargé du recouvrement
3. Sanctions encourues
Risque pénal :
Outre le risque juridique de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail, l’entreprise donneur d’ordre se trouve exposée à un risque pénal pour délit de marchandage de main d’oeuvre et de dissimulation de salariés :
Sanctions pénales pour le dirigeant : 45 000 € d’amende et trois ans de prison ;
- Sanctions pénales pour la personne morale : 225 000 € d’amende et placement sous surveillance judiciaire ;
- Sanctions civiles : rappel des cotisations, redressements… ;
- Sanctions administratives : dissolution de la personne morale, exclusion des marchés publics…
Solidarité financière :
L’entreprise donneur d’ordre se trouve également exposée à une mise en jeu de sa responsabilité civile.
Ainsi, le défaut de vérification du donneur d’ordre à l’égard de celui qui exercerait du travail dissimulé entraîne, en cas de condamnation pour travail dissimulé du cocontractant, une responsabilité solidaire en ce qui concerne les dettes sociales, fiscales et salariales :
- Impôts, taxes, cotisations obligatoires, y compris pénalités et majorations dues au Trésor Public ou aux organismes de protection sociale ;
- Remboursement des aides publiques éventuellement perçues par celui qui est coupable de travail dissimulé ;
- Rémunérations, indemnités et charges dues à raison de l’emploi de salariés dissimulés.
Chacun des créanciers pourra agir directement contre le bénéficiaire du travail dissimulé, dès lors qu’il existe un procès-verbal pour délit de travail dissimilé à l’encontre du co-contractant.
En conclusion, compte tenu des sanctions encourues, les vérifications prévues par le code du travail sont plus que nécessaires.
Le service social du cabinet RUFF & ASSOCIÉS reste à votre entière disposition pour la mise en conformité de votre entreprise à cette nouvelle réglementation.
4. Le cas des auto-entrepreneurs
Les auto-entrepreneurs sont par définition des travailleurs indépendants qui maîtrisent l’organisation de leur planning et qui ont également une démarche de prospection puisqu’ils doivent rechercher de la clientèle, des fournisseurs..
A l’inverse, un salarié s’engage pour le compte et sous la direction d’un employeur. Il exécute un travail sous son autorité. L’employeur a le pouvoir de lui donner des directives, des ordres en contrepartie d’une rémunération. Ces différents critères permettent de déterminer s’il existe ou non un lien de subordination et donc un contrat de travail.
La personne inscrite comme auto-entrepreneur est en effet présumée non salariée, mais il s’agit d’une simple présomption qui peut être renversée au regard des circonstances de fait.
Aussi, les juges peuvent requalifier les prestations effectuées en relations salariées et condamner ainsi l’entreprise donneuse d’ordre pour travail dissimulé.
Les critères d’appréciation seront :
- Le mode de recrutement de l’auto-entrepreneur ;
- Les modalités d’exécution du travail (autonomie ou non dans la détermination et l’organisation des tâches) ;
- Le caractère d’exclusivité…
Le caractère d’exclusivité s’appréciera par l’analyse de la clientèle de l’auto-entrepreneur par rapport au volume de son chiffre d’affaires.
Si les critères sont réunis (existence d’un lien de subordination), un contrat de prestation peut être requalifié en contrat de travail, ce qui se traduit par :
- Le paiement des salaires, heures supplémentaires éventuelles, primes, congés (…) correspondant à un poste de salarié équivalent,
- Un dédommagement du préjudice subi (dommages et intérêts),
- Le paiement des cotisations sociales.
L’employeur peut également être condamné pour travail dissimulé.
Nous restons à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire que vous souhaiteriez voir préciser.
Cet article a été rédigé en août 2025, par le Service Social